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Nous sommes dans un univers onirique puisque la quasi-totalité de la pièce est le rêve fait par Damaïo James. Damaïo qui sait qu'il va bientôt dormir pour toujours.

 

L'espace temps et l'espace lieu sont donc naturellement des espaces de no-man's land et d'errance. Errance physique, que la danse et la colère tentent maladroitement de redresser, errance mentale et affective que la tendresse et l'espièglerie partagée entre le père et son fils tentent heureusement de réparer.

 

Mais cette errance se parcourt à deux. La pièce est écrite pour un duo, pour un couple, une paire, deux êtres en connivence, en conflit, en amitié, deux êtres réunis par la proximité de l'abîme. Ainsi, comme chez Beckett et comme pour Vladimir et Estragon, Damaïo et Anton attendent infiniment et ne savent pas ce qu'ils attendent.

 

Un pas de plus et ils tombent dans les ténèbres, deux pas en arrière et l'espoir renaît de tout pouvoir recommencer. L'illusion de l'équilibre, le désir que le temps s'arrête à jamais, le souffle coupé pour tenter désespérément de suspendre la vie, et refuser la tragédie par essence inévitable.

 

Averse Noire est un huis-clos… d'extérieur.

 

Un extérieur sombre et naturel, où l'homme est passé (puisque l'on voit les rails d'une ligne de chemin de fer abandonnée), mais où la nature a repris ses droits.

 

Deux rails donc, une verdure envahissante, une cage de métaphore, et c'est à peu près tout.

 

Comme la légèreté poétique du texte et la pesanteur du tragique se marient dans l'écriture, la scénographie devra susciter une impression d'étouffement et comme une respiration aérienne. Le rythme des dialogues alternera entre échange à bâtons rompus et silences contemplatifs. Les corps se feront lourds près du sol et agiles comme pour les familiers du Taï-Chi. Les costumes pourront évoquer la pensée étriquée des régimes totalitaires et se faire guenilles de vagabonds guettés par l'abandon dans la nudité. La musique et le son enfin tenteront d'évoquer les échos du rêve, et la tendresse, et la joie des cœurs qui se retrouvent et s'étreignent.

 

Tout est possible. Tout doit être simple. Tout est léger, mais tout est conditionné également par ce que Elsa Morante nommait notre "affreuse pesanteur" humaine.

 

La pièce est un dialogue, un dialogue rêvé.

 

Nous sommes en Chine. Anton porte un nom russe. Damaïo a un patronyme américain. Nous sommes en Chine c'est à dire nulle part, comme aurait pu dire Antonin Artaud.

 

Geoffroy Guerrier

INTENTION(S)

pour mise en scène

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